
"J’ai fait une faillite" : cette décision "stupide" qui a entraîné la ruine de Nicole Croisille
Tout n’était pas rose dans la vie de Nicole Croisille, décédée le 4 juin 2025. Dans les années 1980, en quête d’indépendance, elle a fait un choix qu'elle qualifiera plus tard de "décision stupide". Une épreuve douloureuse qu’elle assumera avec franchise.
Le 4 juin 2025, Nicole Croisille a tiré sa révérence. À 88 ans, la chanteuse s’est éteinte des suites d’une longue maladie, refermant un chapitre marquant de la chanson française. Sa voix rauque et vibrante s’est tue, mais son écho résonnera longtemps encore dans les cœurs et les mémoires. Avec elle disparaît bien plus qu’une interprète : une femme de scène, de cœur et de combat intérieur, qui n’a jamais cessé de se réinventer.

Nicole Croisille assiste au tapis rouge de la comédie musicale "Le Roi Lion" au Théâtre Mogador le 11 novembre 2021 à Paris, France I Source : Getty Images
Née le 9 octobre 1936 à Neuilly-sur-Seine, Nicole Croisille a très tôt caressé le rêve d’un destin artistique. Pourtant, ses premiers pas furent faits dans la rigueur : sténodactylographie pour rassurer les siens, danse et théâtre pour nourrir sa passion. Cette dualité – entre devoir et désir – marquera toute sa vie. À 19 ans, elle entre au ballet de la Comédie-Française, finance ses cours, et rejoint l’école du mime Marcel Marceau, qu’elle accompagne en tournée internationale dès 1957.
De retour en France, elle foule les scènes avec Joséphine Baker, se glisse dans des comédies musicales aux côtés de Jean Marais, et s’impose peu à peu dans l’univers du spectacle vivant. Puis, dans les années 60, le chant prend le dessus.
En 1966, sa rencontre avec le cinéaste Claude Lelouch bouleverse sa trajectoire. Elle prête sa voix à la bande originale du film Un homme et une femme, succès mondial qui propulse Nicole Croisille sous les projecteurs. Pourtant, derrière la reconnaissance, une menace couve. En 1965 déjà, ses performances a cappella à New York sans micro endommagent ses cordes vocales. Un polype puis des nodules fragilisent son instrument, ce qui ne l’empêche pas de briller dans les années 70.

Nicole Croisille dans un jardin public à Paris le 11 mai 1968 I Source : Getty Images
Avec Partir, Femme, Le Blues du businessman ou encore C’est ma vie, elle devient une figure incontournable de la chanson française. Son triomphe à l’Olympia en 1976 consacre son talent, mais en 1978, elle doit s’éloigner de la scène pour subir une opération de la gorge. Une pause forcée, comme tant d’autres dans sa vie, qu’elle aborde avec détermination.
Nicole Croisille n’a jamais porté de drapeau ni revendiqué un combat politique. Ce qu’elle défendait, c’était le sentiment. L’amour, toujours. "Je n’ai chanté que ça. Et je sais ce que mes chansons ont offert aux autres", avait elle dit. Une sincérité qui touchait sans chercher à convaincre.
En parallèle, Nicole Croisille cultive une carrière d’actrice. Théâtre, télévision, cinéma – notamment chez Lelouch –, elle s’illustre dans des rôles exigeants et populaires : Hello, Dolly!, Irma la douce, L’opéra de quat’sous, Dolmen, Nina… Une artiste plurielle, jamais figée.
Dans les années 80, elle fait un choix audacieux : reprendre le contrôle total de sa carrière. Elle gère elle-même sa production, ses tournées, ses choix artistiques. Une indépendance chèrement acquise, qu’elle paiera d’une faillite personnelle.

Nicole Croisille dans l'émission "Vivement Dimanche" de Michel Drucker I Source : Getty Images
"J’ai décidé de prendre le contrôle sur mes chansons. De tout gérer moi-même. Ce fut une décision stupide. J’ai fait une faillite personnelle peu de temps après qui m’a remise à ma place", avait elle confié en 2017 à Paris Match. Pourtant, cette chute ne la détourne pas de l’essentiel : le contact avec le public, le frisson de la scène.
D’ailleurs, même affaiblie, Nicole Croisille n’a jamais cédé à la retraite. En 2015, elle retourne au théâtre dans Irma la douce, puis dans Jeanne de Jean-Robert Charrier. La scène restait pour elle une nécessité vitale. Jusqu’au bout, elle a continué à jouer, à incarner, à vivre.
Avec sa disparition, c’est une voix rare qui s’éteint. Mais son héritage, lui, ne s’efface pas. Nicole Croisille laisse derrière elle un répertoire vibrant, des rôles marquants, et surtout, l’image d’une femme profondément humaine, libre de ses choix, fidèle à elle-même, et au parcours fait de fulgurances et de silences, de triomphes et de doutes. Elle s'en va aujourd'hui avec sa complexité attachante et une intensité pudique qui n’appartenait qu’à elle.

Nicole Croisille sur scène à la Rose d'or d'Antibes, en juillet 1969 I Source : Getty Images

Nicole Croisille en concert à l'Olympia à Paris le 7 septembre 1976, en France I Source : Getty Images

Nicole Croisille sur la scène du Festival de la chanson française de Juan Les Pins, 1983 I Source : Getty Images

Nicole Croisille chante lors d'une émission de télévision en avril 1976 à Paris I Source : Getty Images

La chanteuse Nicole Croisille, Circa 1980 I Source : Getty Images

Nicole Croisille pendant l'émission de FRANCE2 "Tenue de Soirée" en direct de Cannes au Palm Beach à Cannes, France I Source : Getty Images

Nicole Croisille photographiée avec sa médaille de Chevalier de l'ordre de la Légion d'Honneur au ministère de la Culture le 15 décembre 2010 à Paris, France I Source : Getty Images