Papillomavirus humains: risques et prévention. Le docteur s'exprime
Le docteur Cécile Badoual s'est récemment confié auprès de Paris Match et a expliqué comment éviter de nombreux cancers dus aux papillomavirus, elle dit qu'une vaccination plus large est nécessaire.
AmoMama vous fait part de cette interview posée par Paris Match à Cécile Badoual.
Paris Match: Les infections à papillomavirus humains (HPV) sont-elles fréquentes ?
Pr Cécile Badoual. Les HPV sont des virus très contagieux. Lors de l’entrée dans la vie sexuelle, 80 % de la population générale est contaminée, les deux sexes à part égale. C’est la première infection sexuellement transmissible. Certains HPV présents sur les muqueuses (vagin, vulve, col de l’utérus, anus, pénis, fond de gorge) peuvent être dangereux, à l’origine de cancers. D’autres, situés sur la peau, à l’origine de condylomes, papillomes ou verrues, ne le sont pas.
Paris Match: Comment ces infections se développent-elles ?
Plus de 120 variétés de HPV existent. La plupart sont sans danger. Une quinzaine seulement sont dits à haut risque (HR) car ils peuvent induire des cancers, surtout les HPV 16 et 18 (en cause dans 70 % des cas). Les infections aux HPV à HR restent 8 à 9 fois sur 10 sans conséquence : le virus est éliminé en trois à vingt-quatre mois par le système immunitaire. Dans 10 % à 20 % des cas, il s’intègre dans les cellules où il reste stagnant pendant des décennies : c’est dans ce contexte qu’un cancer peut survenir. Une baisse de l’immunité, même passagère, et la multiplication des partenaires sexuels sont des facteurs favorisants. Le processus est lent et silencieux : des lésions précancéreuses se forment d’abord, en cinq à dix ans, puis deviennent cancéreuses et invasives dix à vingt ans plus tard. On compte environ 6 000 nouveaux cas de cancers HPV induits par an en France, dont 3 000 cancers du col de l’utérus (1 100 décès), 1 500 cancers ORL (85 % d’hommes), 1 000 cancers de l’anus (72 % de femmes), quelques centaines de cas de cancers du pénis, du vagin et de la vulve.
Paris Match: Comment sont dépistées les lésions précancéreuses aujourd’hui ?
Présents chez une majorité de femmes dès le début de leur vie sexuelle et impliqués dans plus de 90 % des cancers du col, les HPV justifient une surveillance, par des frottis et des tests HPV “à vie”. Pourtant, 40 % des Françaises n’en font pas. A tort, car le frottis est un moyen simple de détecter des cellules anormales et d’identifier un HPV à HR. Grâce à ce dépistage qui permet la découverte de lésions précancéreuses, 25 000 “conisations” préventives (ablation du col utérin) sont réalisées en France chaque année (ce qui, au prix d’un risque accru de fausse couche et de prématurité, permet d’éviter le cancer du col). Malheureusement, le frottis dans d’autres zones, l’anus par exemple, n’est pas aussi fiable, ni bien accepté. Dans la sphère ORL (fond de gorge : amygdales, base de la langue), il n’est pas efficace, et les autres tests (salivaires) sont insatisfaisants. Ainsi, 80 % des patients sont vus au stade de cancer ORL évolué, car non dépistés !
Paris Match: Les vaccins sont-ils efficaces ?
Très efficaces, mais, du fait de la longue durée d’évolution de l’infection, il a fallu dix à quinze ans pour le démontrer, ce qui a donné du temps aux ennemis du vaccin pour le critiquer. Dans les pays où depuis dix ans la vaccination a été large et mixte (Australie, Etats-Unis, Canada), les nouveaux cas de lésions précancéreuses du col de l’utérus ont chuté de 90 % ! En France, les vaccins sont recommandés pour les jeunes filles de 11 à 14 ans et en rattrapage jusqu’à 19 ans révolus. Egalement pour les immuno-déprimés et les hommes homosexuels jusqu’à 26 ans. Un vaccin contre 9 variétés de HPV sera bientôt disponible. Il assurera une protection contre 90 % des HPV carcinogènes (HR), au lieu de 70 % actuellement.
Paris Match: La vaccination est-elle dangereuse ?
En dix ans, plus de 270 millions de doses de vaccins ont été distribuées à travers le monde. L’OMS a examiné à sept reprises la sécurité des vaccins, qu’elle qualifie d’“extrêmement sûre”.
Paris Match: Est-elle suffisamment étendue ?
En Australie où 80 % des femmes et 75 % des hommes de 15 ans sont vaccinés, les cas de lésions à HPV n’apparaissent quasiment plus ! Moins de 20 % des jeunes Françaises le sont. Cette couverture est insuffisante (un taux de 60 % est requis pour observer une baisse globale). Il faudrait aussi qu’en France la vaccination soit élargie à tous les -garçons adolescents pour une prévention maximale et complète.