L'erreur des parents de Vincent Lambert sur sa qualification pourrait lui coûter la vie
Dans l'affaire Lambert, chaque action ou décision des membres de la famille est cruciale car elle peut peut signifier la vie ou la mort de Vincent Lambert.
Depuis plus de dix ans, Vincent Lambert est dans un état végétatif irréversible. Depuis 2013, la bataille pour le sort du patient a éclaté entre les parents et la femme de l'ancien infirmier en psychiatrie.
Le 20 mai 2019 a été une date qui a été très mouvementée pour l'affaire. Durant celle-ci, la justice française avait rendu une décision favorable à la demande de Rachel Lambert, la femme du principal intéressé, portant sur l'arrêt des traitements.
Et pourtant, dans la soirée de la même date, la Cour d'appel de Paris a sorti un arrêt ordonnant la reprise (partielle) des traitements de Vincent Lambert.
Il semblerait que Viviane et Pierre Lambert aient décidé de se retourner vers un comité s'occupant des personnes handicapées.
"Les parents de Vincent Lambert se sont retournés vers ce comité qui s’occupe des personnes handicapées, et non des personnes en état végétatif",
avait déclaré Agnès Buzyn en réagissant à un avis du Comité des droits des personnes handicapées (CDPH) des Nations unies.
Certains experts, comme Me Noémie Saidi-Cottier, membre de l'Alliance des avocats pour les droits de l'Homme (AADH), concèdent qu’au fil des années, et à mesure que l’affaire est devenue un symbole du débat sur les soins de fin de vie, la notion de handicap a petit à petit été relayée au second plan dans ce dossier.
"Je reconnais qu’avant l’avis du CDPH, je n’avais moi-même pas assimilé ce cas précis à un cas de handicap",
confie l’avocate qui s’est dite surprise par la récente saisine de l’instance onusienne, évoquant un "recours ingénieux" sur le plan juridique.
Mais ce statut juridique de personne handicapée peut-il changer la donne dans un dossier qui a déjà connu de nombreuses péripéties judiciaires depuis 2013 ?
Est-ce réellement un "recours ingénieux" ou une dernière tentative désespérée qui pourrait provoquer un résultat non voulu ?
Que dit la loi ?
"C’est avec la loi du 11 février 2005 que, pour la première fois, le droit français a posé la définition de ce qu’est un handicap d’un point de vue juridique",
rappelle Alexandra Grevin, avocate spécialisée en droit du handicap.
Ainsi, selon l’article L114 du Code de l’Action sociale et des familles, "constitue un handicap (..) toute limitation d'activité ou restriction de participation à la vie en société subie dans son environnement par une personne en raison d'une altération substantielle, durable ou définitive d'une ou plusieurs fonctions physiques, sensorielles, mentales, cognitives ou psychiques, d'un polyhandicap ou d'un trouble de santé invalidant."
Pour rappel, depuis un grave accident de la route, survenu en 2008, et le profond coma qui s’en est suivi, Vincent Lambert est atteint de tétraplégie, à savoir une paralysie des quatre membres qui se classe dans la catégorie des handicaps moteurs.
Mais ce drame l’a aussi laissé cérébrolésé, un handicap "invisible" mais avec des troubles cognitifs "irréversibles" dans ce cas précis.
Alors, Vincent Lambert est-il un malade en fin de vie ou un handicapé cognitif ? C’est tout le débat.
Laisser mourir, faire mourir ou soigner ? Que faire ? Qui aura le droit de décider de son sort ?
S'il est considéré comme malade en fin de vie, il n’y aura pas de difficulté pour arrêter ses traitements.
Par contre, s'il est uniquement considéré comme un handicapé il n’y a pas du tout de raison d’arrêter son traitement, et ce traitement doit continuer
"à défaut de quoi il y aurait une discrimination à l’égard d’une personne handicapée",
a expliqué Me Paillot sur les ondes de la radio canadienne, LCN.
D'où l'intérêt de bien cerner le statut du patient.
Tout le monde semble être partagé, qu'il s'agisse des juristes qui s'étaient penchés sur l'affaire, des médecins ou encore de ses proches.
Malgré cette divergence d'idées, une chose est certaine, le jugement sur le fond du Comité des droits des personnes handicapées, s’il a lieu, devrait de nouveau donner matière à alimenter les débats autour de la fin de vie qui ne trouvent pas de réponse ferme et définitive.
Alors que les autorités compétentes tentent encore d'élucider l'affaire concernant Vincent Lambert, qui déterminera encore si oui ou non, Lambert pourra s'accrocher à la vie, après avoir été plongé durant une décennie dans un état végétatif.
Sa femme, par ailleurs, veut convaincre son entourage de le laisser partir et enfin le libérer de cette souffrance.