"J'ai offert la mort à mon fils" : une mère avoue un meurtre prémédité après 30 ans
Dans son livre "J'ai offert la mort à mon fils", Anne Ratier explique pourquoi et comment elle a donné la mort en 1987 à son fils de trois ans, très lourdement handicapé.
Il y a quelques jours, le journaliste Hugo Clément a rencontré Anne Ratier pour une interview vidéo diffusée par Konbini. Une vague de réactions a suivi la publication de la vidéo. Si certains tentent de comprendre son geste, d'autres sont scandalisés.
En 1984, Anne Ratier donne naissance à son fils, Frédéric. Ayant sérieusement manqué d'oxygène lors de l'accouchement après un arrêt cardiaque, le cerveau de Frédéric est en partie détruit.
Le petit garçon vient de naître, mais il est déjà tétraplégique. Au fil des ans, on se rend également compte qu'il n'a aucune conscience de son environnement et qu'il est incapable de reconnaître ses parents.
Pendant trois ans, Anne Ratier aura une relation véritablement fusionnelle avec son fils, avec qui elle fera absolument tout. Frédéric souffrant également de crises d'épilepsie, il doit suivre un traitement très fort.
Anne et son mari ont vécu ainsi avec leur fils, jusqu'au moment où ils ont perdu espoir d'une quelconque amélioration. Après avoir consulté des spécialistes, ils ont pris conscience que l'état végétatif de leur fils était irréversible, et qu'il allait devoir être placé en centre spécialisé.
"Votre monde s’écroule lorsque le couperet tombe. On se pose alors beaucoup de questions quand on voit qu’à trois ans, il faut le laisser, l’abandonner dans un centre. C’était très difficile pour nous de nous dire que dans quelque temps, nous allons être obligés de le laisser à des étrangers. Ça, je ne pouvais pas le faire."
Désirant garder son fils près d'elle, mais sachant aussi que cette existence n'était pas une vie, pour son fils comme pour elle, elle a pris une décision très grave.
"Je vais choquer d’autres mamans comme j’ai été choquée moi-même. Je ne m’attendais pas à vivre une situation pareille et à en arriver jusqu’à tuer mon fils. Je comprendrai que tout le monde trouve ça choquant d’ailleurs si on ne trouve pas cela choquant, ça n’est pas normal. J’ai lutté contre moi-même aussi pour en arriver jusque-là."
Le 2 novembre 1987, jour de ses trois ans, Frédéric est mort après que sa mère lui ait donné l'intégralité de son tube de cachets. Des aveux qui ont choqué beaucoup d'internautes, car cette maman, bien qu'ayant perdu une part importante d'elle-même, assume son geste.
"Aujourd’hui encore, je referai la même chose."
Anne Ratier parle de compassion, et déclare que si elle avait un accident et qu'elle terminait dans un état végétatif comme son fils, elle souhaiterait que l'un de ses proches prenne la même décision afin de ne pas la laisser vivre ainsi.
Bien qu'il y ait prescription depuis son acte, Anne Ratier sait qu'elle pourrait être inculpée de meurtre avec préméditation.
"Lorsqu’il est mort, j’ai fait part à ma famille et à mes proches que je voulais que ce soit connu. Mon mari m’en a dissuadé même si j’étais prête à aller en prison."
L'interview a rapidement relancé le débat sur l'acharnement thérapeutique, l'euthanasie et le droit à la mort dans la dignité. On se souvient de l'affaire Vincent Humbert, que sa mère avait aidé à mourir.
En France encore, l'euthanasie et le suicide assisté sont illégaux.