Une mère témoigne : "Mon fils m'a dit qu'il avait débouché les toilettes avec de l'eau bénite"
Le président d'une association religieuse de Caen a été jugé ce mardi 21 mai 2019 par rapport au traitement qu'il aurait infligé à ses adeptes.
Ce mardi 21 mai se déroulait le procès du président de "Notre dame mère de la lumière", à Caen. L'homme était accusé d'abus de faiblesse auprès de ses adeptes.
Le président du tribunal correctionnel a insisté sur le fait qu'Alberto Maalouf n'avait cependant pas le profil d'un gourou de secte.
"Il y a eu des investigations et on ne retrouve pas dans ce dossier les motivations qu’on a pu voir dans d’autres affaires sectaires. Pas d’enrichissement personnel, pas de captation de patrimoine, pas d’abus sexuel"
Cependant, l'homme est tout de même accusé d'abus de faiblesse, de manipulation et de préjudice.
Les personnes ayant déposé plainte étaient toutes dans un était de fragilité extrême quand elles ont rencontré les membres de "Notre dame de la lumière".
Parmi les plaignants, il y a une jeune serveuse qui avait emménagé à Caen récemment après une rupture, ou encore un jeune-homme de retour en France après ses études aux États-Unis.
Tous les deux ont déclaré qu'ils avaient en premier temps été ravis d'établir un lien social avec un groupe spirituel.
Sont venu ensuite les "prières des frères", les rassemblements avec une seule personne au milieu de tout un groupe, comme "un vrai tribunal", selon la serveuse.
"On nous faisait des reproches sur notre style de vie, notre façon de s’habiller, à partir de ce que disait Alberto."
"Les femmes sont invitées à se couvrir le corps pour ne jamais dévoiler leurs formes féminines. Je suis partie rejoindre ma famille à l’été 2014 en Corse et je n’osais plus me mettre en maillot de bain.", ajoute t-elle.
Des propos qui ont tendance à corroborer la thèse de l'influence extrême mais qui ont toutefois été contredits par deux femmes présentes dans la salle, venues défendre Alberto et le groupe religieux.
"Nous étions libres de nous habiller comme nous le souhaitions. Le corps couvert c'est notre choix."
D'autres femmes viennent parler du voeu de chasteté qu'elles ont fait, une autre se dit "fiancée avec Jésus. Sans aucune influence de la part d'Alberto".
Si les jeunes membres disent avoir fait ce choix de vie par eux-mêmes, certains de leurs proches sont venus les contredire.
Le père d'un des jeunes adeptes parles d'un "mouvement d'Ayatollah". La mère d'une autre a également tenu un émouvant témoignage.
"Ils ont pris ma fille ! Ils l'ont recrutée à la sortie de l'église et je ne la reconnais plus. Elle traite sa soeur de diable parce qu'elle s'habille en jupe."
Une seconde mère se dit à présent en rupture totale avec son fils.
"Il me demande d'éteindre ma télévision parce que les programmes sont sataniques. Un jour il m'a dit qu'il a pu déboucher les toilettes avec des prières et de l'eau bénite !" ajoute t-elle, rapportant la peur qu'elle a de cette emprise sur son fils.
Il faut donc réellement faire la part des choses entre les propos très contradictoires des proches et des plaignants face à ceux des défenseurs de ce groupe.
Trois couple se sont séparés après être entrés dans ce groupe car, selon l'un des plaignants : "les hommes et les femmes doivent vivre séparés".
De longues prières sont tenues jusqu'au milieu de la nuit, et deux jours de jeûne sont imposés par semaine.
"Dans une logique d'affaiblissement, d'épuisement dans une recherche de soumission et dépendance", a déclaré l'avocat des plaignants.
De son côté, Alberto Maalouf affirme ne pas être un manipulateur.
"J’ai une conviction religieuse et des facilités d’orateurs."
Lorsque d'anciens membres ayant eu d'énormes difficultés à sortir du groupe se sont exprimés en faisant part des intimidations dont ils ont été la cible, Alberto Maalouf a simplement admis qu'il aurait "peut-être dû avoir plus de discernement avec les personnes les plus fragiles."
"Je voulais fonder une famille mais un jour j’ai reçu un appel pour consacrer ma vie au Seigneur."
Selon les règles de son association, aucune femme n'a le droit de se retrouver seule avec un homme.
Carole Etienne, procureur de la république, a voulu démontrer à travers ses réquisitions que le groupe travaillait sur la privation de liberté, d'autonomie et de choix de vie.
"C'est un système de remodelage de personnalité. Pour transformer radicalement les membres autour d'un discours qui visait à leur dire 'Nous sommes dans le monde mais pas du monde'. Alberto Maalouf a convaincu un fan d'Harry Potter d'abandonner ses livres parce qu'ils étaient diaboliques ! Un exemple d'isolement culturel et de repli communautaire."
Elle a demandé deux ans de prison avec sursis mise à l'épreuve, avec obligation de suivre de soins, et interdiction totale de rentrer en contact avec les victimes.
De plus, elle a demandé à ce qu'il reçoive une interdiction d'exercer une responsabilité à la tête d'une association.
Pour le moment, le jugement est encore en délibéré.