Philippe Croizon, amputé des 4 membres, est devenu un héros pour les gens pendant que sa femme était dans l’ombre, se sacrifiant pour lui

Philippe Croizon a été “ramené à la vie” par une femme qui a fait les gestes qu’il fallait pour débloquer la situation. L’amour a sauvé la vie à l’athlète français après son accident.

Philippe Croizon a un parcours héroïque. Cet homme quadri-amputé s’est lancé le défi fou de traverser la Manche à la nage, sauter en parachute à 4600 mètres d’altitude et participer à des aventures sportives jusqu’au Dakar.

Mais derrière cet homme hors du commun se dessine le portrait d’une femme aimante, dévouée, accompagnant son mari avec courage et abnégation. Elle lui insuffle la force nécessaire pour aller au bout de ses rêves et défis qui semblent impossible à première vue. Elle s’appelle Suzana Sabino.

Retour sur le récit de ce couple qui force l’admiration, triomphant de l’adversité.

PHILIPPE CROIZON : UN ACCIDENT QUI L'A RENDU HANDICAPÉ

Le pire est arrivé le 5 mars 1994. Ce jour-là, Philippe Croizon empaquetait dans des cartons les affaires de sa femme et de son petit garçon Jeremy, alors âgé de 7 ans, parce que la petite famille allait déménager. Leur maison était trop petite pour eux, maintenant que sa femme attendait leur deuxième enfant.

Après s’être occupé des meubles et certains objets de la maison, il décide de débrancher son antenne TV. Elle lui avait tout de même coûté 500 francs à l’époque (à peu près une centaine d’euros maintenant) et il voulait la récupérer.

Donc, sous un beau soleil de printemps, il prend une échelle en aluminium et dévisse doucement l’antenne. Malheureusement, à un moment, il heurte la ligne électrique de 20.000 volts qui se trouvait derrière lui. L’homme se fait électrocuter trois fois et se retrouve avec les jambes brûlées.

Ne pouvant se résoudre à ne rien faire, un de ses voisins prend son courage à deux mains, enfile deux chaussures et des gants longs en caoutchouc, monte les escaliers, et l'éteint avec l'extincteur.

Philippe est emmené d’urgence à l'hôpital de Tours. Les médecins arrivent à le sauver mais les dégâts sont énormes. Dans les mois qui ont suivi, il s’est fait amputer des quatre membres. Il avait 26 ans.

Cette étape de sa vie fut très dure à vivre. “Je suis passé par les cinq phases du deuil avec le déni, la négociation, la dépression, la colère et l’acceptation, j’ai mis une dizaine d’années à passer par ces étapes”, dit-il.

Les choses qui le maintenaient durant son long processus de guérison étaient son fils Grégory, né deux mois après l’accident, ainsi que l’humour, même si c’était dur au début. Il faut dire que l’homme se demandait souvent quelle serait désormais sa place dans la société ? Et dans sa famille en particulier.

Étant quadri-amputé, que pouvait-il faire pour rester un homme, un père ? Mais par-dessus tout, où pouvait-il également trouver quelqu’un qui pouvait l’aimer, lui, qui était désormais un célibataire handicapé ? En attendant de trouver l’amour, Philippe a décidé de vivre pour ses deux garçons et pour lui.

Mais après quelques mois d'hospitalisation, un premier déclic est venu le secouer lorsqu’il a demandé à une infirmière d’allumer la télévision. Dessus, il a vu une jeune fille, Marion Hans, traverser la Manche à la nage à seulement 17 ans. À cet instant, il s’est dit : “Pourquoi pas moi un jour ?”

Dix ans se sont écoulés et finalement, non seulement, ce rêve s’est réalisé mais Philippe a également trouvé l’amour. Il s’était inscrit sur le site de rencontre Meetic, mais les résultats n’étaient pas fameux.

Puis, un jour, une certaine Suzana Sabino lui envoie un message lui faisant comprendre qu’elle ne cherchait pas forcément une relation de couple avec lui mais qu’ils pouvaient tout de même être amis. C’est à partir de là que tout a changé.

Ils ont parlé pendant des semaines, puis sont passés au téléphone. Et un jour, elle est venue lui porter un gros bouquet de roses rouges et lui a dit : "Je pense que je t'aime." Depuis, la paire ne s’est plus quittée.

D’ailleurs, c’est Suzana qui lui a donné des ailes en le réveillant grâce à l’amour et aux rêves qu’il s’est permis de faire depuis. En parlant de ses rêves justement, tout le monde lui disait qu’ils étaient impossible à réaliser.

Mais pour Philippe, c’était impossible pour eux, pas pour lui. Il avait décidé de ne pas vivre selon les limites des autres. Ces limites que les autres avaient érigées n’étaient que l’image de leur peur à eux, et non de la sienne. Il en était certain.

“Vous savez, le frein des rêves, c’est la peur. Ceux qui ont des rêves et qui vont se poser la mauvaise question en se disant : ‘Qu’est-ce que je risque ?’, c’est fini, ils s’enlèvent 80 % de chances d’y arriver. Ils ne réaliseront jamais leur rêve(…) Maintenant je n’ai plus de limite. C’est un peu comme Yannick Bestaven, des gens qui osent réaliser leurs rêves et qui atteignent leurs objectifs, c’est montrer aux autres que c’est possible.“,

a-t-il déclaré. Et d’ajouter :

“Osez réaliser vos rêves, l’impossible c’est juste vous, c’est personne d’autre. Ça m’a toujours rendu dingue d’entendre des gens dire qu’à cause de leur femme, de ceci ou cela, ils n’avaient pas réalisé leur rêve. C’est ta life, c’est toi qui décides.”

Depuis, il a traversé la Manche à la nage en 2010, relié les cinq continents en 2012 et piloté durant le rallye Dakar en 2017. Mais toute cette réussite, cette renaissance, ces rêves réalisés, Philippe a déclaré avoir pu le faire grâce aux autres.

Certes, c’était à lui de prendre sa vie en main et ne pas se contenter de se victimiser pour ce qui lui était arrivé mais il a réalisé que parfois, quand on en a besoin, il faut mettre son égo et sa fierté de côté et oser demander un coup de main aux gens.

Alors oui, les discussions ne se terminent pas toujours de la plus belle des manières, mais apparemment, nous pourrions être agréablement surpris de la bonté de certaines personnes.

“Moi je suis un gros bébé, si je ne demande pas d’aide, je peux rester longtemps dans mon canapé. J’y suis d’ailleurs resté dix ans à attendre que ça vienne et à un moment donné, je me suis dit que c’était à moi d’aller vers les gens, de les provoquer et de leur proposer mon rêve. Il y en a plein qui m’ont dit non, mais il y en a qui ont dit oui. Et à partir de là c’est bon, l’aventure était lancée”,

raconte-t-il.

Il faut savoir tout de même que derrière cet homme fort qui ne se laissait pas démoraliser par toute cette situation se trouvait une femme forte, aimante et présente pour le soutenir à chaque instant.

RENCONTRE AVEC L'AMOUR DE SA VIE

Comme on l’a dit un peu plus haut, c’est sur Meetic que les deux amants se sont rencontrés. Il leur a fallu un peu de temps pour se rendre compte que leur amitié avait cédé place à une romance, mais une fois qu’ils en étaient sûrs, ils ont décidé de partager cette vie ensemble.

Suzana avait déjà trois filles et Philippe, deux garçons mais ce n’était en aucun cas un problème. Le plus important pour leurs proches était qu’ils étaient heureux.

Bien entendu, il y a eu beaucoup de moments difficiles durant lesquels le couple craquait - surtout sur le plan financier avec ce qu’on donne aujourd’hui pour les personnes handicapées, néanmoins, à chaque fois, ils se disaient que s’ils allaient au bout, ils allaient changer leur vie.

“JE N'EN POUVAIS PLUS D'ÊTRE DANS L'OMBRE DE PHILIPPE”, DIT SA FEMME

Dans son livre, “Ma vie pour deux”, Suzana raconte sans fausse pudeur et sans hypocrisie le quotidien qu’elle a vécu en partageant la vie de Philippe.

On y découvre une femme forte parfois habitée par le doute, mais qui est restée dévouée et s’est battue sans relâche pour son mari handicapé. Elle prenait tellement à cœur son rôle qu’elle finissait par s’oublier. Mais arrivée à un certain âge, elle a ressenti le besoin de penser à elle. De se faire du bien.

“Je suis une bonne poire, gentille. Du coup, je m’oublie jusqu’à la souffrance. Là, je n’en pouvais plus d’être dans l’ombre de Philippe. Parce que ses exploits, il ne les aurait peut-être pas réussis sans moi”,

dit-elle. Et d’ajouter :

“Avec la sortie du livre, ce qui a changé, c’est le regard des gens dans la rue qui maintenant me voient. Je suis devant et dans la lumière et cela me fait du bien !”.

Suzana a également fait part du fait que maintenant avec son mari, ils sont de nouveau sur le même plan d’égalité.

En effet, depuis le livre, Philippe a compris qu’il lui demandait beaucoup, qu’il était très exigeant. Cela lui a ouvert les yeux. Son rôle d’aidante a diminué un peu et elle a commencé à accepter la non-perfection, et se sent moins obligée de toujours être au mieux, que tout soit parfait. “C’est comme un grand bol d’air que je me suis offert”, dit-elle.

Dans ce livre, la mère de famille attire également l’attention sur le rôle des aidants et alerte sur la difficulté de vivre avec une personne handicapée ou malade. Un rôle ingrat, faussant la relation à l’autre parfois.

Pour elle, il est important de militer pour ces “huit à onze millions de personnes qui se dévouent pour un proche, parfois au détriment de leur propre santé’, mais pour lesquelles il n’y a aucune reconnaissance.

Et elle sait de quoi elle parle, elle qui à force de tirer, soulever et pousser le fauteuil de Philippe a fini par souffrir précocement d’arthrose. Toutefois, de sa situation, elle n’en tient aucune rigueur car elle l’a fait par amour.

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